mercredi 12 septembre 2012

Chéma Israël



Ecoute Israël, l'Éternel, notre Dieu, l'Éternel est UN.
Béni soit à jamais le nom de Son règne glorieux.
Tu aimeras l'Éternel ton Dieu, de tout ton cœur,
de toute ton âme
et de tous tes moyens

Ce texte fonde deux religions. Il s’agit du Chéma Israël, récité par les juifs deux fois par jour, il s’agit, pour les chrétiens du début de la grande loi d’Amour énoncée par le Christ. A cet amour de Dieu, le Christ n’oublie pas d’ajouter « Tu aimeras ton prochain comme toi-même ».
Aujourd’hui, je ne peux m’empêcher de me dire que c’est cette voie que j’ai essayé de suivre, jour après jour, dans tout le cheminement autour de ma sexualité, celle que j’essaye de suivre encore aujourd’hui.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de toutes tes forces et ton prochain comme toi-même. Il y a donc une trinité d’amour sur terre comme au ciel … Il y a pour moi, un rappel fondamental : si l’amour de Dieu est inconditionnel, la façon dont nous sommes les uns avec les autres est étroitement liée à la façon dont nous nous acceptons.
… comme toi-même.
Pour beaucoup de jeunes, découvrant leur homosexualité, c’est difficile, voire impossible. S’aimer soi en vérité, c’est accepter en nous la différence d’un désir « hors norme ». C’est voir une image, celle des homosexuels, et ne pas s’y reconnaitre. C’est d’abord, et avant tout accepter d’être son propre prochain. Dans la parabole du bon samaritain, qui suit immédiatement cette règle universelle d’amour, le Christ met en scène un Samaritain qui sauve un Juif. Pour mettre à jour cette parabole, il faudrait parler d’un Palestinien et d’un Juif, seule façon de comprendre la force de la scène décrite par le Christ. Pour moi, accepter mes désirs homosexuels a été aussi difficile qu’a du l’être le geste du Samaritain ou que celui de St François d’Assise pour le lépreux. Aujourd’hui, j’ose espérer que l’image des homosexuels a évolué, qu’elle est moins négative et moins caricaturale, qu’il est plus facile d’accéder à cette acceptation.
Cette démarche d’acceptation et d’amour n’oublie pas la vérité. Il ne s’agit ni de pitié ni de résignation. Pour aimer son prochain comme soi-même, il faut être capable de se regarder en vérité dans le miroir de l’âme et d’aimer vraiment ce qu’on y voit. Ce n’est qu’en ayant laissé la place au regard d’amour purificateur du Christ qu’on peut vivre en vérité sa relation à l’autre.
Il y a des souffrances qu’il ne faut pas oublier, mais qu’il ne faut pas non plus mal interpréter.  Beaucoup d’études ont montré un grand taux de suicide chez les jeunes homos. Beaucoup ont en tête l’image des nuits fauves de Collard. Ces comportements à risque ne sont pas liés à l’homosexualité en elle-même mais bien à la difficulté de s’accepter en vérité. Beaucoup préféreront d’être morts que pédés et, parmi ceux qui commencent leur acceptation, certains resteront au milieu du chemin, multipliant les pratiques à risque dans un rejet partiel d’eux-mêmes.

Tu aimeras ton prochain …
Mon prochain, c’est celui qui est différent de moi, parfois radicalement différent, comme dans la parabole, c’est aussi celui qui m’est proche.
On reproche souvent aux homosexuels de chercher leur propre image dans celle de leur compagnon, ou de se refuser à l’altérité …
Tout d’abord, comme je viens de le dire, la découverte de leurs désirs oblige les homosexuels à remettre en cause l’image qu’ils avaient d’eux même. La découverte de mon homosexualité m’a amené à me rejeter moi-même, à avoir une image de moi dévalorisée. Il n’est donc pas question de personnes qui sont complètement obnubilées par leur propre image, mais parfois de personnes qui n’arrivent pas à s’aimer eux-même.
Ensuite, deux hommes ou deux femmes ne sauraient être identiques, et je n’ai jamais croisé aucun couple homo dans lesquels il n’y aurait eu que très peu de différences. Certes, la différence des sexes n’est pas là, mais l’humanité est tellement pleine de variations, de nuances, de différences … Deux êtres qui s’aiment ce sont toujours deux univers qui se rencontrent. Parfois, ils se rencontrent sur des points communs, parfois sur de la complémentarité, parfois sur de la différence, en tout les cas, ce sont deux univers qui se mettent à tourner ensemble.
L’argument du refus de l’altérité me blesse. Sous prétexte que mon partenaire a un point de commun en plus que ce qu’on rencontre habituellement dans les couples, on en déduit que j’aurais peur de la différence, que je la refuserais …
Se risquer à l’aventure de l’autre est pourtant une des choses que je préfère. Découvrir chez les autres des points communs donne toujours un sentiment de bien-être, mais découvrir ce qui fait les différences est quelque chose qui me fait sentir vraiment vivant. Je ne peux que revoir avec émotion les visages, les histoires que j’ai côtoyées dans ma vie, toutes ces couleurs … Je revois les groupes de partage chrétiens –musulmans, catho - protestants, franco-allemand, mes voyages en Algérie, au Sénégal et ce que j’ai pu essayer de comprendre de ce qui ce vivait là-bas. Ma joie toute récente de voir les multiples cultures, couleurs, histoires dans ma toute nouvelle frat.
Et, des personnes qui refusent d’accepter de reconnaitre la réalité du lien qui m’unit à l’homme que j’aime se permettent de venir me dire que je refuse l’altérité ?
L’amour qu’un homme peut ressentir pour un autre homme, qu’une femme ressent pour une autre femme suit les même chemins, rencontre les mêmes difficultés, les mêmes joies, … que celui d’un homme pour une femme. L’attirance sexuelle se manifeste des mêmes façons et peut être transcendée tout aussi bien dans l’amour. Il existe aujourd’hui en France un certain nombre de personnes qui s’aiment, se protègent, sont fidèles parfois depuis des dizaines d’années, mais qui pour l’instant ne peuvent être reconnus dans le mariage.
Comme pour les hétérosexuels, il s’agit d’être vrai avec les attirances et les sentiments que l’on ressent. Prendre le temps de discerner la vérité et la profondeur d’un sentiment avant de s’engager. Mais, aussi savoir regarder en vérité ce sentiment qui nous fait vivre : en couple nous avons traversé déjà du meilleur et du pire, nous nous sommes déjà disputés et déjà soutenus. Certains ont déjà vécu l’agrandissement de la famille, les nuits à veiller, les couches à changer, l’émerveillement d’un sourire au matin …
Cet amour de l’un pour l’autre qui débouche parfois sur l’arrivée d’un troisième est gravement jugé par certains. Ceux-là nous disent que, pour protéger l’enfant, il faut que sa famille n’ait pas de cadre juridique. Ceux-là nous disent aussi, au nom de la défense du mariage, que le mariage n’a jamais été une histoire d’amour. Ceux-là oublient aussi que, quand le Christ parle de ne pas rompre les liens du mariage, il s’agit avant tout de protéger la femme de la répudiation.
Tu aimeras le Seigneur ton Dieu …
Parce qu’il nous aime, Dieu nous donne à vivre. Cet amour inconditionnel de Dieu, je l’ai ressenti au plus profond de moi et il me fait vivre. Comment aimer Dieu de tout mon cœur ? En vivant, en vérité, l’appel à l’amour et à la vie que Dieu adresse à chacun d’entre nous. C’est pour cela que je vis aujourd’hui en couple avec l’homme que j’aime. Parce que j’ai toujours su que je n’étais pas appelé au célibat. Quand j’ai commencé à vraiment accepter mes désirs homosexuels, je me suis posé la question de ce que j’allais faire de ce que je ressentais. Même si je suis d’un naturel plutôt rêveur et solitaire, je me sentais appelé à autre chose. Je sais que l’Eglise, mon Eglise, celle dans laquelle je vis ma foi, propose un seul chemin pour les homosexuels. En mon âme et conscience, l’appel que j’ai ressenti était autre. Et l’arbre a porté du fruit. Ce choix que j’ai fait, celui de vivre en vérité l’amour au sein d’un couple, m’a permis de grandir encore, de gouter à de nouvelles choses et a permis la vie d’un couple avec toutes les richesses que cela apporte. Alors, oui, vivre une relation d’amour en couple homosexuel est ma façon de rendre grâce au Seigneur qui a fait pour moi des merveilles. Sur mon chemin de vie, le témoignage que je rends aujourd’hui est un autre des fruits que ma vie de couple a portés.

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