lundi 11 février 2013

Portraits de familles

On m’a glissé dans l’oreillette que certain.e.s attentaient avec impatience des nouveaux posts. C’est vrai que ça fait longtemps maintenant. C’est vrai aussi, que ce n’est pas facile pour moi, étant donné mon engagement en faveur de la loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, de rester simplement sur la posture de témoin que je veux avoir ici. Mais, si je ne suis pas témoin, aujourd’hui de ce que je vis en tant que croyant et homosexuel, je ne sais pas quand je pourrai l’être. Pour rester dans le témoignage et éclairer les débats actuels d’une lumière qui rappelle les enjeux humains, j’ai choisi de faire des portraits de familles. (Oui, au pluriel, il va falloir s’y faire). Les personnages que je décris ici sont issus de personnes de mon entourage. J’ai changé leurs prénoms et puis j’y ai mis de ma plume. Ce ne sont donc plus exactement ceux qui m’ont inspirés, mais ils en restent assez proche …
Bon promis, pour le prochain billet, j’essaie de faire plus rapide.


Jérôme a près de 40 ans. Il est hétéro et engagé fortement pour le mariage pour tous. Pourquoi ? Parce que, élevé depuis ses six ans par son père, il n’a jamais compris pourquoi il fallait cacher certaines choses, ne pas tout dire à tout le monde. Son grand secret ? Simplement, que son père, après avoir divorcé, s’était mis en couple avec un autre homme. Jérôme a vécu toute son adolescence en jouant à ce jeu de l’entre deux : savoir à qui on peut dire quoi. Adulte et libre de parler, il s’engage aujourd’hui pour dire qu’il n’a pas souffert d’avoir un père homo et que les enfants de familles homoparentales ne sont pas différents.
Ce matin, en venant lever Samuel, sa maman a pu lui annoncer une merveilleuse nouvelle. Grâce à l’amendement voté cette nuit, il va pouvoir revoir son grand frère.  Corine et Justine, les deux mamans ont vécu plusieurs années ensemble. Elles ont acheté un appartement et ont voulu fonder une famille. Chacune d’elle a porté un enfant, tous deux issus d’un même donneur. La vie a poursuivi son cours et ce qui arrive parfois (même aux couples hétéro) leur est arrivé : elles se sont séparées. Malheureusement, là où la loi protège les enfants dans les couples hétéros, elle nie l’existence et donc la protection des familles homo. Les homos n’ont rien à envier aux hétéro : la séparation se passa mal avec, au final, la séparation pour les enfants aussi. Seule une procédure longue aurait peut-être permis des retrouvailles. Mais ce matin Samuel a le sourire : il va retrouver son frère.
Pauline, elle aussi, a deux mamans. Enfin, une maman et une Moune. En ce moment, des messieurs qui passent leur temps assis à crier sont en train de voter une loi qui va permettre à ses deux mamans de se marier. Mieux encore, sa Moune va pouvoir l’adopter. Même si on n’ose encore totalement y croire – malgré les avancées réelles à l’assemblée – les préparatifs commencent à s’échafauder dans les têtes. Et, pour toutes les trois, le grand moment ce ne sera pas seulement le mariage, mais aussi l’adoption, parce que c’est de cette manière que leur famille sera totalement reconnue. Alors, ils peuvent bien continuer à crier les messieurs sur leurs bancs, Pauline sait que les deux dames et le monsieur avec les lunettes font tout pour que sa famille soit enfin reconnue.
Enfin, moi aussi je suis avec attention tous ces débats, parfois blessé aussi par certaines vociférations et par des mécanismes politiciens. Je suis ces débats parce que je ne sais que trop les fragilités pour les enfants de l’absence de loi. Je les revois, ces enfants, s’égaillant en pagaille autour de leurs parents dans l’attente du spectacle de l’arbre de Noël. Je n’ai vu, autour d’eux, que des parents responsables, éducateurs, aimants et protecteurs. Elevant leurs enfants quel qu’il soit, y compris dans des situations de handicap ou de maladie. Évidement, j’attends aussi pour mon couple la possibilité du mariage civil, dans la maison commune et en présence de l’officier d’état civil ceint de son écharpe tricolore.
Et si aujourd’hui je demande à la République de donner les même protections et la même reconnaissance à tous ces enfants, ces couples, bref, ces familles, c’est parce que j’ai l’intime conviction que Dieu regarde toutes ces familles avec le même regard d’amour.

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