Oh, pas
grand-chose n’a changé là-bas, à Taizé. Il y a toujours autant de jeunes,
toujours des louches de nourriture servie dans des assiettes en plastique,
toujours les chambrées de 4 ou 6 et bien sûr, toujours les chants et le
silence.
Alors bien
sûr, nous, on a grandi. Enfin, à nos âges, on dira même qu’on a vieilli. Et il
faudra bien se rendre compte que les jeunes que l’on accompagne – un peu par
hasard – n’étaient pas nés la dernière fois qu’on est venu ici.
Mais à
Taizé, il y aussi une Présence palpable. Non qu’elle ne soit pas
ailleurs ! Mais quand même, on Le retrouve si facilement, ici !
Et bien même
quand on est juste assis sur une chaise posée dans l’herbe, quand on est juste
à attendre la prière du matin parce qu’on s’est levé trop tôt. Même là, alors
qu’on n’est pas vraiment en prière, même là, Il sait nous trouver.
Il n’était
pas là dans une tempête, encore moins un tremblement de terre. Ni même un
murmure, à peine un souffle. Il m’a juste donné de revoir, tout simplement, ce
qu’Il m’avait déjà donné.
Dieu nous
appelle et pour ceux d’entre vous qui ont su se taire assez pour entendre cet
appel, ce que je vais dire fera certainement écho.
Il m’appelle
moi ? Comment dire que c’est toujours un choc, une surprise ? Et
pourtant, Il ne cesse de m’appeler, en vérité, tel que je suis, sans
concessions et Son appel vient se poser précisément là où Son amour pour moi
est le plus grand. Il vient me rappeler que, comme tout chrétien, j’ai à
témoigner de Son amour pour tous. Et comment dire que mon histoire redit à quel
point cet amour est pour tous ?
Et alors que
je n’ai même pas le temps de formuler un « comment ? », me sont
redonnés tous ces textes qui m’ont marqué à un moment ou un autre de ma vie de
foi :
Le fils de l’homme n’a pas où reposer
sa tête. (Mt
8 ; 19-22)
Ne prenez ni bourse ni sac, ni
chaussures ; ne vous arrêtez pas en chemin. (Lc 10 ; 4)
Et tant
d’autres textes où le Christ n’arrête pas d’aller et venir, par monts et par
vaux, essayant de se mettre à l’écart de la foule, fuyant sur le lac et puis accueillant
tous ces frères à bras ouverts.
Tous ces
textes qui m’ont été donnés à un moment à un autre me disent :
« Va
sur les chemins, ne t’arrête pas, avance ! »
Bien sûr, ce
pseudonyme de Marcheur n’est pas là pour rien : il dit déjà cet appel que
j’ai reçu.
Marcher,
c’est quelque chose qui a toujours fait partie de ma vie, depuis ces chemins
d’écolier, tous les matins, admirant la nature et le paysage, jamais exactement
le même.
Marcher,
c’est aussi pour moi une façon de prier. Laisser le corps prendre son rythme,
laisser le regard rendre grâce pour la Création, prendre le temps de laisser
Dieu nous parler dans cette harmonie, quelle méthode de prière que la
marche !
Par chez moi
un centre spirituel propose chaque mois de marcher pour prier. J’en suis un
fidèle (même si j’ai été moins présent ces derniers temps) et j’ai su aussi,
simplement, être déjà là témoin de ce que l’amour de Dieu a fait dans ma vie.
Marcher dans
la prière, c’est aussi le désir de partir pour St Jacques qui devient de plus
en plus présent et que je commence tout doucement à vouloir organiser.
Marcher,
c’est aussi bien sûr cheminer, ne pas s’établir, continuer à douter et à
chercher Dieu.
Et pour moi
qui portais depuis quelque temps cette question « où est ma place dans
cette Église ? », le Seigneur me répond : « Va sur les
chemins, ne t’arrête pas, avance ! ».
Et alors
que, pour de vrai, je commence à trouver une place dans ma paroisse, le
Seigneur me répond : « Va sur les chemins, ne t’arrête pas,
avance ! ».
Non pas
qu’il me faille à tout prix tout quitter, mais que je sache ne pas chercher un
cocon pour me mettre au chaud, que je sache rester sur les parvis, aux
périphéries, là où j’ai quelque chose à dire à ceux qui sont dehors, et à ceux
qui sont dedans.
Alors, dans
ces trois jours de Pentecôte à Taizé, il y eu plein d’autres belles choses.
Il fut
question d’être le sel de la Terre, de faire comprendre à des ados en quoi, eux
aussi étaient sel pour le monde. Ils ont eu du mal, vraiment, à y croire, alors
même que l’intervenant avait rappelé à quel point les auditeurs du Christ
étaient tous de simples humains comme nous. Et quand je finis par leur dire
qu’ils avaient été pour moi, un peu le sel de ce week-end (mimant le geste de
saler un plat), je vis un regard s’éclairer : « tu veux dire que ça
donne du goût ? »
Il y a eu
encore plein de raisons de voir cet Esprit de Pentecôte nous permettre de nous
comprendre malgré la barrière de la langue.
Il y a eu
aussi l’occasion de faire le bilan sur ce que j’ai pu vivre depuis cette
dernière fois à Taizé et toutes ces questions que je portais encore.
Ces trois
jours m’ont remis en chemin. Comme toujours, c’est difficile de garder cet élan
une fois revenu dans nos pénates et que l’on retrouve le chat qui ronronne au
coin du feu. Il n’empêche que ce temps me rappelle qu’il y a une porte à
passer, et une route qui continue, sans fin.