jeudi 14 mars 2013

Je suis de cette famille



Qu’est-t-il à la fois de plus simple et de plus complexe que le sentiment d’appartenance qui nous lie à notre famille ? C’est à la fois un grand bonheur et parfois une souffrance. Il y a bien dans le monde de nombreuses familles heureuses mais nous savons tous, parfois l’avons-nous même expérimenté, que la famille peut être aussi lieu de souffrance. Quoiqu’il en soit, on ne la choisit pas et, on en fait partie à vie.
Et cela vaut aussi pour la grande famille de l’Eglise Catholique.
En ce temps de Carême particulier pour moi cette année, c’est ce qui m’a été donné : « tu fais partie de cette famille ». Et pourtant je peux m’en sentir loin parfois quand elle s’engage fortement contre la reconnaissance et donc la protection des couples et familles homoparentales. Je peux avoir l’impression parfois que je n’en fais pas partie, que ce que je suis, que mon choix de vie m’exclut de cette famille. Et pourtant, le lien qui nous unit à notre famille est unique et indélébile. Je raisonnerais autrement si ma foi n’était plus là, je raisonnerais autrement si l’expression de ma foi était autre que celle de l’Eglise Catholique, je raisonnerais différemment surtout si mon choix de Vie n’avait pas été un choix de vivre en vérité l’amour de Dieu en totalité et l’amour humain dans la fidélité et le respect.
Mais non, je suis de cette famille.
Pendant ces longues années durant lesquelles j’ai cherché un vrai chemin de vie, l’image que j’avais était souvent celle du premier de cordée ouvrant la voie dans une paroi nouvelle. A la fois la difficulté de trouver un chemin, la solitude de l’exercice et le danger correspondait à ce que je ressentais. Aujourd’hui, j’ai parfois l’impression qu’après avoir atteint le sommet de cette paroi, je me suis retrouvé sur un long plateau désertique duquel je vois, au loin, la longue cohorte des chrétiens qui marche dans la verdoyante vallée de la Terre Promise.
Bien sur ce n’est qu’une image et, Dieu merci, bien des chrétiens m’ont montré qu’il n’y avait pas un gouffre infranchissable entre mon chemin de vie et le leur et que, même plus proche de l’Eglise, il est possible de se sentir à part.
Ce temps de Carême est aussi un temps qui me permet de quitter ce haut plateau pour retourner faire famille en Eglise. Bien sûr la peur que j’ai est celle du jugement de ce que je vis, la peur de m’entendre dire : « tu ne fais plus partie de notre famille ». Mais, en ce temps de Carême, l’Eglise m’invite à la conversion. Ce grand mot, qui fait parfois peur, donne tout son sens dans son étymologie : se retourner, changer de direction. Pour un croyant la conversion, c’est se remettre dans le regard de Dieu, c’est reprendre Son chemin avec Lui. Dans ce chemin de faire famille avec l’Eglise sous le regard de Dieu, ce fut le texte du fils prodigue (Lc 15, 11 - 32) qui m’a été donné ce dimanche …

Ce qui m’a frappé dans ce texte, ce qui m’a rejoint dans ce que je vis aujourd’hui, c’est la façon dont le fils prodigue, après avoir dilapidé toute la fortune héritée de son père n’hésite pas à retourner vers lui. Certes, il ne demande qu’un emploi et pas de retrouver son ancienne place, mais il n’hésite pas et n’imagine pas que son père lui dira peut-être d’aller voir ailleurs. Bien sûr son frère ne sera pas content, bien sûr son frère est jaloux de l’accueil fait à celui qui a vécu une vie dissolue, mais le père n’est qu’accueil, comme le Christ l’est à son époque pour tous ceux qui sont mis au ban de la communauté des croyants de l’époque. C’est d’ailleurs par rapport aux récriminations de ceux qui ce considèrent comme les « bons » croyants que le Christ dit cette parabole.
Dans ce temps de Carême et de conversion, ce que je reçois donc c’est un appel à rejoindre l’Eglise, comme le fils prodigue, en simple ouvrier, en sachant bien que certains de mes « grands frères » dans la foi risquent de me rappeler que j’ai quitté le droit chemin de l’Eglise…
Pour en finir sur cette histoire de famille, j’aimerai dire quelques mots de l’élection du nouveau Pape.
Le mot en lui-même (papa) rappelle à quel point l’Eglise est une famille. Cette élection, la surprise qu’elle procure et surtout la richesse de découvrir une personnalité riche, simple et sincère qui remet le pauvre au cœur de l’Eglise est un vrai bonheur. Les Cardinaux (aidés de l’Esprit Saint) ont fait à la fois un choix audacieux et de simplicité. C’est pour moi, une vraie bonne nouvelle, même si, comme d’autres, j’attends de voir.
Enfin, un mot sur Benoît XVI. Je n’étais pas fan du Cardinal Ratzinger et je ne me suis jamais vraiment senti représenté par ce Pape. Cependant, en faisant le bilan je me rends compte que ce bonhomme a accepté de faire ce qu’il y avait à faire dans l’Eglise à ce moment là : le sale boulot. Mettre de l’ordre et faire le clair sur les affaires, notamment de pédophilie. Il a pris cette charge avec le nom de Benoît (fondateur d’un ordre religieux) comme pour rappeler la vie monastique qu’il aurait préféré à celle de Pape. Il a essayé de faire ce boulot de nettoyage en allant au plus loin de ces forces et puis, il a eu l’humilité de reconnaître ses limites et a préféré renoncer à sa charge. Finalement, il aura été un Pape au service de l’Eglise avant tout et pour ça, il a gagné tout mon respect.