Qu’est-t-il à la fois de plus simple et de plus complexe que
le sentiment d’appartenance qui nous lie à notre famille ? C’est à la fois
un grand bonheur et parfois une souffrance. Il y a bien dans le monde de
nombreuses familles heureuses mais nous savons tous, parfois l’avons-nous même
expérimenté, que la famille peut être aussi lieu de souffrance. Quoiqu’il en
soit, on ne la choisit pas et, on en fait partie à vie.
Et cela vaut aussi pour la grande famille de l’Eglise
Catholique.
En ce temps de Carême particulier pour moi cette année, c’est
ce qui m’a été donné : « tu fais partie de cette famille ». Et
pourtant je peux m’en sentir loin parfois quand elle s’engage fortement contre
la reconnaissance et donc la protection des couples et familles homoparentales.
Je peux avoir l’impression parfois que je n’en fais pas partie, que ce que je
suis, que mon choix de vie m’exclut de cette famille. Et pourtant, le lien qui
nous unit à notre famille est unique et indélébile. Je raisonnerais autrement
si ma foi n’était plus là, je raisonnerais autrement si l’expression de ma foi était
autre que celle de l’Eglise Catholique, je raisonnerais différemment surtout si
mon choix de Vie n’avait pas été un choix de vivre en vérité l’amour de Dieu en
totalité et l’amour humain dans la fidélité et le respect.
Mais non, je suis de cette famille.
Pendant ces longues années durant lesquelles j’ai cherché un
vrai chemin de vie, l’image que j’avais était souvent celle du premier de
cordée ouvrant la voie dans une paroi nouvelle. A la fois la difficulté de trouver
un chemin, la solitude de l’exercice et le danger correspondait à ce que je
ressentais. Aujourd’hui, j’ai parfois l’impression qu’après avoir atteint le
sommet de cette paroi, je me suis retrouvé sur un long plateau désertique
duquel je vois, au loin, la longue cohorte des chrétiens qui marche dans la verdoyante
vallée de la Terre Promise.
Bien sur ce n’est qu’une image et, Dieu merci, bien des
chrétiens m’ont montré qu’il n’y avait pas un gouffre infranchissable entre mon
chemin de vie et le leur et que, même plus proche de l’Eglise, il est possible
de se sentir à part.
Ce temps de Carême est aussi un temps qui me permet de
quitter ce haut plateau pour retourner faire famille en Eglise. Bien sûr la
peur que j’ai est celle du jugement de ce que je vis, la peur de m’entendre
dire : « tu ne fais plus partie de notre famille ». Mais, en ce
temps de Carême, l’Eglise m’invite à la conversion. Ce grand mot, qui fait
parfois peur, donne tout son sens dans son étymologie : se retourner,
changer de direction. Pour un croyant la conversion, c’est se remettre dans le
regard de Dieu, c’est reprendre Son chemin avec Lui. Dans ce chemin de faire
famille avec l’Eglise sous le regard de Dieu, ce fut le texte du fils prodigue
(Lc 15, 11 - 32) qui m’a été donné ce dimanche …
Ce qui m’a frappé dans ce texte, ce qui m’a rejoint dans ce
que je vis aujourd’hui, c’est la façon dont le fils prodigue, après avoir
dilapidé toute la fortune héritée de son père n’hésite pas à retourner vers
lui. Certes, il ne demande qu’un emploi et pas de retrouver son ancienne place,
mais il n’hésite pas et n’imagine pas que son père lui dira peut-être d’aller
voir ailleurs. Bien sûr son frère ne sera pas content, bien sûr son frère est
jaloux de l’accueil fait à celui qui a vécu une vie dissolue, mais le père n’est
qu’accueil, comme le Christ l’est à son époque pour tous ceux qui sont mis au
ban de la communauté des croyants de l’époque. C’est d’ailleurs par rapport aux
récriminations de ceux qui ce considèrent comme les « bons » croyants
que le Christ dit cette parabole.
Dans ce temps de Carême et de conversion, ce que je reçois
donc c’est un appel à rejoindre l’Eglise, comme le fils prodigue, en simple
ouvrier, en sachant bien que certains de mes « grands frères » dans
la foi risquent de me rappeler que j’ai quitté le droit chemin de l’Eglise…
Pour en finir sur cette histoire de famille, j’aimerai dire
quelques mots de l’élection du nouveau Pape.
Le mot en lui-même (papa) rappelle à quel point l’Eglise est
une famille. Cette élection, la surprise qu’elle procure et surtout la richesse
de découvrir une personnalité riche, simple et sincère qui remet le pauvre au cœur
de l’Eglise est un vrai bonheur. Les Cardinaux (aidés de l’Esprit Saint) ont
fait à la fois un choix audacieux et de simplicité. C’est pour moi, une vraie
bonne nouvelle, même si, comme d’autres, j’attends de voir.
Enfin, un mot sur Benoît XVI. Je n’étais pas fan du Cardinal
Ratzinger et je ne me suis jamais vraiment senti représenté par ce Pape.
Cependant, en faisant le bilan je me rends compte que ce bonhomme a accepté de
faire ce qu’il y avait à faire dans l’Eglise à ce moment là : le sale
boulot. Mettre de l’ordre et faire le clair sur les affaires, notamment de
pédophilie. Il a pris cette charge avec le nom de Benoît (fondateur d’un ordre
religieux) comme pour rappeler la vie monastique qu’il aurait préféré à celle
de Pape. Il a essayé de faire ce boulot de nettoyage en allant au plus loin de
ces forces et puis, il a eu l’humilité de reconnaître ses limites et a préféré
renoncer à sa charge. Finalement, il aura été un Pape au service de l’Eglise
avant tout et pour ça, il a gagné tout mon respect.